Mercredi 30 mars

Aujourd'hui, je me sens physiquement mal. Hier, j'ai participé à une énorme fête dans le quartier de Hollywood, où j'habite maintenant, quelque part dans une maison très moderne que l'occupant va mettre des années à rénover tellement les invités l'ont ravagée. Je ne suis pas surprise, c'est pas la première fois que je vois ça. Je me suis faite draguer une cinquantaine de fois et ça ne m'a pas déplu. Je suis même heureuse de ne pas avoir eu à claquer plusieurs centaines de dollars pour une petite robe noire et les accessoires qui allaient avec. C'était très classe, et je n'ai pas pu résister à la tentation du buffet, et de ses dix verres élégants de champagne. Que je me suis tous enfilés, l'un après l'autre, avec quelques secondes d'attente entre eux, histoire de reprendre l'équilibre. Pas étonnant que j'aie la gueule de bois et de grosses cernes sous les yeux. Un coup de maquillage et ce sera vite passé, je pense. En espérant que le fond de teint hors de prix qui m'a été offert serve à quelque chose...

Le soleil explose contre la vitre, et je en vais pas tarder à sortir, sachant qu'il serait dommage qu'une beauté fatale comme moi meure grillée sous ces rayons démoniaques. Le temps de mettre une jupe et un haut quelconque, et ça ira.

Je suis tout excitée quant à la soirée de ce soir. Un ami m'a invitée dans un restaurant, celui où vont les nouveaux-riches, ceux qui habitent dans des rues huppées. J'ai hâte de côtoyer ceux que j'admire tant, cette jeunesse dorée que j'aimerais devenir. Peut-être que l'ami en question serait la clé de ma réussite. J'ai déjà préparé ma robe décolletée et mes hauts escarpins...

En fait, je viens de me rendre compte que je drague cette personne juste pour le fric qu'elle peut éventuellement me rapporter et les relations croustillantes qui vont avec. Mais, personnellement, je pense qu'ici, toutes les filles aspirent à ça. Gloire & Amour & Beauté. Après tout, faire la folle couverte de paillettes, perchée sur des talons de quinze centimètres dans un club très branché, c'est mieux que de s'ennuyer, assise à une table de cours... non ? Et puis, de toute façon, on n'à qu'à se débrouiller pour bien le cacher, parce que la réputation évolue très vite ici, et varie seulement en fonction de notre look, nos cernes, notre façon de parler... et franchement, c'est plutôt énervant.

Enfin bref. Ici, ma vie est vraiment sympa. Hâte de pouvoir connaître la suite.

Jeudi 30 mars

Han, hier, c'était juste parfait. Une bougie crépitait au milieu de la table, donnant à nos silences une intonation très sensuelle, d'après moi. Les plats étaient délicats, et il a sourit avec contentement devant une légère salade que j'ai prise. Tout a été absolument parfait jusqu'à ce que je laisse tomber une cuillerée de caramel brûlé sur ma robe hors de prix (celle chipée à maman avant de partir). Il ne s'en est pas rendu compte mais j'ai passé le reste du temps avec une serviette sur les genoux.

À la fin du rendez-vous, pour couronner le tout, un couple d'une quarantaine d'années très friqué, a éclaté dans une violente dispute, et l'un des arguments lancés par la femme fut quelque chose de mélioratif adressé à nous deux que je n'ai même pas distingué totalement. Ça a du l'alerter, parce qu'il a été adorable avec moi toute la soirée.

Il m'a ensuite raccompagnée jusqu'à chez moi, et après m'avoir entouré de ses bras bodybuildés à mort, m'avait embrassé si tendrement que je me suis sentie fondre.

J'ai vraiment, mais vraiment pas envie de retourner chez-moi, décidément.

Ah oui : et si vous êtes beau, grand, romantique et musclé, n'hésitez pas à m'appeler.
Enfin, quand je retrouverais mon portable... Réel problème ici ou c'est tellement numérisé ! Toutes les soirées passent sur internet, et on a intérêt à avoir un visage potable, sinon c'est mort.